30.4.15

Trop intelligent pour être heureux ? L'adulte surdoué de Jeanne Siaud-Fachin

C'est aujourd'hui adulte que je prends conscience d'un tas de choses qui rythment ma vie. Un tas de choses positives, joyeuses mais parfois pas du tout. Comme le fait de penser trop et trop vite (il y a un livre à ce sujet, Je pense trop : comment canaliser ce mental envahissant ?, moi j'ai choisi Trop intelligent pour être heureux ? par rapport à certains commentaires qui me semblaient plus correspondre), d'avoir cette sensation inconfortable de vertiges, de malaise, l'impression que si on continue de penser autant on va tomber dans les pommes ; comme le fait de se sentir incompris, de ne pas avoir les mêmes canaux de communication...
Quand on comprend enfin qu'on est vraiment différents, qu'on raisonne différemment, que nos pensées vont plus vite que les autres... quand on comprend, ça va mieux, on peut avancer, travailler sur des points précis de nos particularités.
J'ai toujours compté 3 par 3. "3 et 3 -> 6 et 3 -> 9 et 3 -> 12 et 3 -> 15, 18, 21...". Si on me présente une liste tiret par tiret je vais rassembler les éléments par 3 quand les autres comptent tout par 2. Je ne comprenais pas pourquoi on nous faisait ranger 2 par 2 à l'école, comment les profs arrivaient à compter "2, 4, 6, 8...".


Lecture 

p.31 : Sur le déficit de l'inhibition latente. "Par exemple si nous entrons dans un endroit, son odeur va nous marquer, puis disparaitre. Le cerveau l'a rangée dans la catégorie "pas utile" et la met de côté ! La même chose se passe pour les bruits : le tic-tac d'une horloge peut vous agacer, puis il semble se taire, se fondre dans le décor, c'est l’inhibition latente qui a oeuvré et a classé cette information comme secondaire."
-> En lisant je me suis dit "Mince là je ne me reconnais pas du tout".
Puis j'ai poursuivi la lecture : "Ce 'tri automatique' ne s'enclenche pas dans le cerveau du surdoué qui se retrouve face à une multitude d'informations qu'il doit traiter 'manuellement'. [... ] il reste aux prises avec toutes les émotions et sensations associées."
-> Récemment j'ai emménagé dans une petite maison pour mon stage dans laquelle il y avait un affreux tic tac, je me suis levée j'ai enlevé la pile et j'ai mis l'horloge dans une valise tant j'étais mal. J'ai une intolérance au bruit très forte, par certains moments je peux en pleurer de fatigue sans m'en rendre compte.
p.39 : Proposer aux surdoués d'expliquer comment il sait. "Parce que c'est évident." "Mais encore ?" "Parce que je le sais, c'est tout.". Il ne sait pas comment il le sait, ni pourquoi. On appelle ça l'intelligence intuitive.
-> Il y a un tas de choses comme ça que je sais mais je ne sais pas pourquoi je le sais. Parfois je me dis que j'ai forcément dû le voir ou le lire quelque part, parfois ça me semble juste logique, évident, pourtant ça n'a d'évidence pour personne. Avant de comprendre que c'est moi qui suis intuitive, je pensais que les autres avaient vraiment un souci de ne pas comprendre ce dont je parlais.
-> En maths ça a toujours été vraiment bizarre. Au collège et lycée je pouvais avoir 4/20 comme 20/20 et j'avais au final plutôt une bonne moyenne. Certains exercices me paraissaient couler d'évidence, tout allait d'ailleurs trop vite, j'avais le résultat avant le raisonnement et j'étais épuisée de devoir écrire le raisonnement (hé oui ça comptait dans la note). En parallèle certains exercices me dépassaient totalement, je n'arrivais franchement pas à les comprendre, mes efforts étaient vains. En seconde j'ai eu une prof de maths qui m'a dit "M., tu as un potentiel énorme.". J'ai ri. Et puis j'ai compris. Elle m'a aidé à comprendre que non je ne suis pas nulle en maths mais j'ai une logique différente pour travailler. J'ai un rapport aux chiffres omniprésent. J'ai une mémoire des chiffres parfois hallucinante, je fais des associations de chiffres étonnantes, je ne sais pas comment je retiens les chiffres des départements, je les connais c'est tout. Dès qu'il y a des chiffres je peux me souvenir des éléments autour. Aussi il faut que je compte tout, tout le temps "si je fais 90 kilomètres par jour et que ça me coûte 0.06€ le km, ça me revient à combien par jour ? et donc sur une semaine de travail ? Et sur un mois ? Et ça fait combien en pourcentage de ce que je gagne par mois ?" Ce n'est pas une question de budget, de radinerie, je veux juste savoir, j'ai juste besoin de calculer, de faire fonctionner les chiffres dans ma tête.
Dans mes différents jobs j'ai souvent tenu une caisse. Je ne me sers jamais du rendu monnaie, je sais combien je dois rendre. Je ne sais pas soustraire avec la méthode basique que j'appelle "d'autrefois", celle qui consiste à "remonter" du montant dû vers la somme donnée. J'ai ma manière pour raisonner. En gros souvent ça donne ça en exemple : on me doit 12€80 et on me donne 20€, ça fait 20-12 = 8 mais comme je sais que c'est plus que 2 ça fait 7 + les 80 centimes - 100 = 20 centimes donc 7€20. Bien sûr c'est extrêmement rapide dans ma tête. Et parfois ce calcul ne se fait même pas, je rends la somme juste par ce que je sais que c'est ça. J'imprime en fait 2 images dans ma tête : 20 et 12,80 et je sais qu'entre les deux il y a 7,20.
Pour les prénoms et noms des gens qui m'entourent c'est pareil. Je sais qui est qui, j'associe facilement nom, prénom, statut et lieu, aujourd'hui c'est un atout énorme dans ma vie car je suis responsable d'une association et pouvoir citer les noms des partenaires rencontrés est un avantage de grande importance.

p. 46 : La perception intensive de tous les sens.
On se moque toujours de moi parce que je trouve des goûts à tout. Une anecdote de moquerie dans ma famille persiste : un jour j'ai trouvé que la purée avait le goût d'huître, tout le monde s'est ligué contre moi pour se moquer, je continue à camper sur ma position et me rends compte de plus en plus que ces petits goûts que je trouve un peu partout c'est simplement parce que mes sens sont exacerbés.

p. 52 : "Il est rare que les surdoués parlent de cela car, comme pour beaucoup d'aspects de leur personnalité, ils ignorent que les autres ne vivent pas la même expérience."
-> A force de bouger, déménager, avoir de nouvelles expériences professionnelles, rencontrer de nouvelles personnes, discuter... je me rends compte que beaucoup de choses que je vis et je ressens sont totalement différentes des autres.
Je ne parle pas de tout ça, j'en parle avec mon ami parce que j'ai réellement pris conscience de ça au moment où on commençait notre relation et qu'il m'a bien épaulé, suivi. J'en parle également avec une autre connaissance (qui est malheureusement loin) car elle est comme moi mais pour le reste, je n'ai pas envie d'en parler. Peur de la moquerie, du déni, d'être encore plus incompris, peur d'être considérée différemment en l'avouant. Et puis comment le prouver ? On nous dit juste "Mais t'es trop bizarre" "T'as aucune logique" "Ça tourne pas rond là-haut", "T'es complètement folle"... Pendant un temps j'ai même pensé à l'autisme, je regardais toutes les formes qui existaient pour voir. Aujourd'hui avec ce livre que j'entame, je me trouve.

Hier, j'ai éclaté de rire à la page 175. Je l'ai lu à mon ami qui a bien rigolé aussi.
"Pousser les discussions jusqu'au bout du bout..."
"C'est aussi quelquefois dans ce contexte qu'un surdoué va pousser les limites de la discussion. Sans relâche. Pour aller jusqu'au bout. Pour tenter de cerner le sens précis des choses. Sans équivoque. Sans flou. Pour être sûr. Ou au moins s'approcher de la réalité. Quand on discute avec un surdoué, on se retrouve embarqué dans des discussions illimitées dans lesquelles aucun argument ne semble avoir prise. C'est épuisant et parfois incompréhensible pour l'autre. Comment peut-on tout remettre en question ? Tout le temps ? Et ne pas se contenter d'explications pragmatiques ou d'arguments habituellement acceptables. Mais pas par eux. Jamais."
J'en ris encore !! Mon ami n'en peut plus de mes questions avant de s'endormir, de nos discussions à rallonge où je demande preuve etc. Heureusement on en rit car il y a internet pour veiller à trancher :D mais parfois je crois que ça l'énerve vraiment vraiment. Moi pas. Car je veux vraiment savoir.